Juin 2017 | Vol. 8 | N°1

Les compétences du futur

by and

Depuis une vingtaine d’années paraissent des référentiels de compétences du 21e siècle. Ces référentiels sont nombreux et l’Observatoire en a présenté quelques-uns en 2013 (Ouellet et Hart, 2013) 1). Tous ces référentiels se ressemblent, mais depuis peu, on voit poindre des compétences plus en phase avec ce siècle-ci dont les intitulés s’éloignent des formulations d’origine telles que capacité de communication, de collaboration, de pensée critique, de résolution de problèmes. Le référentiel de l’Institut du futur (Institute for the Future2)est particulièrement intéressant à cet égard.

Le référentiel de l’IFTF décrit six changements moteurs, étant entendu par ce terme, des perturbations qui modifient profondément la nature et le contenu du travail (IFTF, 2011, p.3-5). Le déploiement de ces changements appelle le développement de compétences essentielles pour œuvrer dans le monde d’aujourd’hui et de demain (IFTF, 2016). Après une brève présentation des changements moteurs, nous décrivons ces compétences. 3)

Les changements moteurs

Les changements moteurs sont les bouleversements qui sont en train de redessiner le paysage social et technologique. Si chaque changement est important en soi pour comprendre le futur, c’est la convergence de plusieurs de ces changements qui va entrainer un besoin en compétences nouvelles.

La longévité extrême

D’ici à 2025, le nombre d’Américains de 60 ans et plus augmentera de 70%. La montée des approches holistiques permet des vies de plus en plus saines, ainsi qu’un allongement de la durée de vie. Le vieillissement de la population aura un impact sur les familles, les carrières et l’éducation, dans la mesure où les personnes seront amenées à changer de carrière ou à reprendre des études à tout âge.

La nouvelle écologie des médias

L’évolution des moyens de communication a provoqué le développement d’un nouveau langage : celui de la production vidéo, de l’animation numérique, de l’édition de média, de la réalité augmentée et des jeux vidéos. Le texte se voit progressivement remplacé par la vidéo et l’animation. Grâce à elles, l’intégration des réseaux virtuels (p. ex.: FacebookWhatsapp, Instagram, Twitter, etc.) dans les différents aspects de notre quotidien se fait de manière de plus en plus homogène. Chaque individu doit aussi apprendre à gérer son identité numérique afin d’établir sa crédibilité ou entretenir sa légitimité. Enfin, la diversité des formes de médias multiplie les perspectives sur un même évènement et bouleverse notre rapport à la réalité et à la vérité.

La montée des machines et systèmes intelligents

Progressivement, les machines remplacent l’humain dans tous les aspects de la vie, que ce soit dans le secteur de la production, de la médecine, du combat, de la sécurité ou de l’éducation. Les lieux de travail s’automatisent, délestant l’humain des tâches répétitives et physiques ( ?). Ces changements sont déjà visibles avec le remplacement d’emplois routiniers par des machines, tels que caissiers de supermarché ou opérateurs de chaines de montage dans les usines. Ces évolutions scientifiques propulsent les standards de performance, diminuent le temps de production tout en augmentant la précision.

La connexion planétaire

L’augmentation de l’interconnectivité globale place l’adaptabilité et la diversité au centre des opérations organisationnelles. Les grandes puissances occidentales partagent le monopole de la création d’emplois, de l’innovation et du pouvoir politique avec les nouvelles puissances de l’extrême orient, notamment dans le secteur de l’informatique. Le recours aux expertises orientales nécessite de pouvoir collaborer avec des personnes au profil culturel différent et de savoir les intégrer dans les organisations occidentales.

Le monde informatisé

En plus d’une augmentation de la connectivité, l’informatisation croissante des objets du quotidien rend possible la conversion de tout évènement en données. Le nombre d’informations sur des phénomènes à petite et grande échelle est décuplé et permet une compréhension sans précédent de processus auparavant invisibles. Ce tournant nécessite une capacité accrue de modélisation ces données : il faut pouvoir les manipuler et les analyser, afin de prendre des décisions en conséquence.

Les organisations sans frontières

Avec les nouvelles technologies et médias sociaux, les organisations traditionnelles sont amenées à devoir se réorganiser en révisant la manière dont elles produisent de la valeur. L’interconnectivité, par exemple, donne l’accès, à grande échelle, à de nouveaux moyens de production et à des ressources humaines hautement spécialisées. Elle facilite l’association de nombreux collaborateurs d’horizons différents pour résoudre des problèmes difficiles à régler sans cette diversité de profils et d’expertises.

Les compétences futures

D’après les recherches de l’IFTF (2011, 2016), la combinaison des six changements moteurs appelle au développement de onze compétences du futur. Nous retraçons ici les compétences les plus discutées lors du Congrès 2017 de la FCSQ.

L’intelligence sociale

L’intelligence sociale, c’est la capacité de se connecter aux autres d’une manière profonde et directe, de percevoir des réactions et d’encourager des interactions désirées. Un employé socialement intelligent est capable d’estimer rapidement les émotions de son entourage, et d’adapter ses mots, son ton et sa gestuelle en conséquence. Même si les machines capables d’interagir sont de plus en plus sophistiquées, la robotisation n’a pas encore atteint le niveau de sensibilité et d’émotion des humains. Avec l’augmentation du travail indépendant et la multiplication des candidats compétents, le manque d’intelligence sociale parait de moins en moins tolérable. L’intelligence sociale est d’ailleurs déjà évaluée en ligne (AirBNB, Google Maps, Uber, etc.) avec le risque d’une nouvelle forme de stigmatisation.

La résilience

La résilience se définit comme la capacité à complètement surmonter les contretemps, défis, obstacles. Les individus hautement résilients entretiennent davantage d’émotions positives, peuvent s’épanouir confrontés à des crises, sont plus flexibles face au changement, plus stables dans des situations exigeantes et ont moins peur du risque. Pour un gestionnaire, favoriser la résilience au sein de son équipe passe par l’augmentation de la force mentale, la mise en évidence des capacités individuelles, ainsi que l’entretien de relations solides.

La transdisciplinarité

Alors que l’interdisciplinarité s’établit dans le travail conjoint de personnes de différentes disciplines, la transdisciplinarité va plus loin. Définie comme la capacité à lire et comprendre des concepts dans plusieurs disciplines, elle permet d’appréhender des problèmes trop complexes pour être résolus au moyen d’une seule discipline scientifique. À titre d’exemple, une personne transdisciplinaire gèrera l’urgence liée à une inondation en croisant ses connaissances sur les comportements sociaux en situation de crise et ses connaissances en urbanisme et en génie. Dans un contexte où un individu occupera entre 10 à 15 emplois durant sa carrière, il devra veiller à développer sa transdisciplinarité tout au long de la vie.

La littératie des nouveaux médias

Cette compétence correspond la capacité de développer et d’évaluer le contenu publié dans de nouveaux médias (p. ex., SMS, FacebookTwitterWikipédia) ainsi que de les utiliser pour communiquer de manière convaincante. Sur le plan professionnel, choisir le mauvais média pour communiquer une information ou une idée peut être infructueux, voire néfaste. Heureusement, de nouvelles applications (p. ex., PowToon ou GoAnimate) offrent des formats plus dynamiques que le traditionnel PowerPoint, ce qui permet de vulgariser le message et rendre un contenu complexe plus accessible.

La collaboration virtuelle

Cette compétence se définit comme la capacité de travailler à distance, au sein d’une équipe virtuelle, de manière productive, en démontrant sa présence aux autres membres de l’équipe et en suscitant leur engagement. Cette collaboration peut s’établir de manière synchrone, au moyen de logiciels d’appels vidéos ou de messagerie instantanée (p. ex., Skype, Via ou FaceTime), ou de manière asynchrone, au moyen de courriels et logiciels bureautique en ligne (p. ex., Google Docs). La collaboration virtuelle offre plusieurs avantages. Elle permet une meilleure conciliation travail-vie privée et une réduction des temps de déplacement. En ralentissant le rythme des échanges, elle laisse aussi plus de temps aux membres de l’équipe pour penser, nuancer et formuler attentivement un propos. Toutefois, le défi de la collaboration virtuelle est la création d’une ambiance sociale au sein du groupe, plus difficile à établir sans le support d’un espace physique de travail commun.

Développer les compétences du futur

En conclusion, les travaux de l’Institute for the Future nous rappellent l’importance de cultiver notre adaptabilité. Nous possédons tous déjà certaines compétences du futur, alors que nous devons en développer d’autres. Comme le dit William Gibson (1999), « le futur est déjà là, il n’est juste pas réparti de façon homogène ». 4) Les référentiels du 21e siècle nous encouragent, en tant qu’individus ou institutions, à continuellement réévaluer les compétences nécessaires à notre évolution. L’apprentissage n’est plus alors un moyen d’accéder à un emploi, mais une démarche continue à entretenir tout au long de la vie.

Notes

  1. Ouellet, D. et Hart, S.-H. (2013). Les compétences du 21e siècleBulletin de l’Observatoire compétences-emplois, 4(4)
  2. Localisé à Palo Alto en Californie, cet institut analyse, depuis 40 ans, les tendances émergentes qui transforment la société et le marché du travail.
  3. Le sujet de cet article a fait l’objet d’une présentation au Congrès de la Fédération des commissions scolaires du Québec, les 1er et 2 juin 2017 portant sur le thème Rêvons l’école. Cet article est aussi publié dans la revue Savoir, volume 22, numéro 17 
  4. Traduction libre, tirée de https://medium.com/not-evenly-distributed/the-future-has-arrived-fed56cec3266, consulté le 8 juin 2017.

En savoir plus

Téléchargez l’infographie du référentiel de l’Institut du futur. Ludique et suggestif, il montre les liens entre les changements moteurs et les compétences du futur.

Téléchargez les référentiels :

IFTF (2016). Future Skills. Update and Literature Review. Palo Alto :  Institute for the Future for Act Foundation and The Joyce Foundation.

IFTF (2011). Future Work Skills 2020. Palo Alto :  Institute for the Future for University of Phoenix Research Institute.

Extrait

Nous possédons tous déjà certaines compétences du futur, alors que nous devons en développer d’autres. Comme le dit William Gibson (1999), « le futur est déjà là, il n’est juste pas réparti de façon homogène ». Les référentiels du 21e siècle nous encouragent, en tant qu’individus ou institutions, à continuellement réévaluer les compétences nécessaires à notre évolution. L’apprentissage n’est plus alors un moyen d’accéder à un emploi, mais une démarche continue à entretenir tout au long de la vie.

Observatoire compétences-emplois (OCE)
1205, rue Saint-Denis
Pavillon Paul Gérin-Lajoie, local N-5920
Montréal (Québec), Canada
H2X 3R9
Voir sur la carte

Téléphone : 514 987-3000 poste 1085
Courriel : oce@uqam.ca